La Cour pénale spéciale (CPS) est une juridiction de la République centrafricaine (RCA). Elle est née après l’adoption par le parlement de transition de la loi organique n° 15.003 du 3 juin 2015, portant création, organisation et fonctionnement de la CPS. La CPS a son siège à Bangui.
La Cour tient son caractère spécial de sa composition mixte (personnel Centrafricain et international), de la gravité des infractions qu’elle poursuit (génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre), de sa durée (5 ans renouvelable), et de l’indépendance de son parquet vis-à-vis des autorités.
La CPS a une double mission : lutter contre l’impunité par la poursuite et la répression des violations les plus graves des droits humains ; contribuer à la reconstruction du système judiciaire centrafricain.
La CPS a été créée pour juger les auteurs des crimes les plus graves : crimes de guerre, crimes contre l’humanité et le crime de génocide, perpétrés en RCA depuis le 1er janvier 2003.
La CPS a compétence pour juger les auteurs de crimes sus mentionnés. Ils peuvent être des acteurs directs des infractions incriminées, des commanditaires, des co-auteurs ou des complices (Art. 55). Par ailleurs, l’immunité liée aux fonctions est inopérante. En effet, « la présente loi s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle » (Art. 56).
Ces crimes précités sont imprescriptibles. S’ils ont été commis avant le 1er janvier 2003, ils relèvent soit des juridictions nationales, soit de la CPI (si ils ont été commis après le 1er juillet 2002).
La CPS devait avoir un mandat limité dans le temps pour réaliser son travail. Janvier 2003 correspond au début des violences ayant mis fin au dialogue national entamé en 2002 et abouti au coup d’Etat de mars 2003. Les populations ont été victimes depuis de plusieurs vagues de graves violations, notamment celles de mars 2013 à décembre 2015 entre les groupes Séléka et anti-Balaka.
La loi sur la CPS lui confère une durée d’existence de cinq ans, “renouvelable en cas de besoin”. Celle-ci commence à courir à partir de son installation effective. Concrètement, c’est le lundi 22 octobre 2018, jour de la tenue de la session inaugurale, qui a été retenu comme date de naissance officielle de la CPS.
Non, la CPS est un tribunal centrafricain. Cependant, les organisations des Nations unies intervenant en Centrafrique apportent leur appui dans le cadre d’un accord avec le gouvernement.
Non, elle n’a pas vocation à les remplacer mais à les renforcer et à contribuer, grâce à l’implémentation de nouvelles pratiques judiciaires, à la reconstruction des cours et tribunaux centrafricains.
La CPS est organisée en trois organes principaux : les chambres, le parquet et le greffe. Deux autres entités lui sont rattachées : une unité spéciale de police judiciaire et un corps spécial d’avocats. Les magistrats du siège sont au nombre de 21 dont 11 Centrafricains et 10 Internationaux, répartis au sein des chambres d’Instruction, d’Accusation Spéciale, d’Assises et d’Appel (Art. 7-14). Le parquet comprend 1 Procureur Spécial (International) secondé par 1 Procureur Spécial Adjoint (Centrafricain), assistés par au moins 2 substituts : 1 International et 1 Centrafricain (Art. 18). Le greffe est composé d’un Greffier en chef (Centrafricain) et d’un Adjoint (International), assistés par des greffiers dont le nombre est proportionnel au volume des affaires mises au rôle (Art. 15). L’unité spéciale de Police Judiciaire est constituée d’OPJ « issus des rangs de la gendarmerie et de la police » centrafricaine (Art. 30). Un corps d’avocats est constitué auprès de la CPS. Ces avocats sont en principe tous Centrafricains. Cependant, « Dans les affaires plus sensibles, (…) où la sécurité des avocats nationaux peut être menacée, il est procédé (…) à la désignation d’avocats internationaux … » (Art. 67).
Tous les magistrats de la CPS sont nommés par décret du président de la République centrafricaine. Cet acte de nomination est l’aboutissement d’un processus de sélection rigoureux qui met à contribution le ministère de la Justice, la Cour de Cassation, la société civile, la Minusca et le Pnud. Tous les magistrats, y compris les magistrats étrangers, prêtent serment devant la loi centrafricaine.
a loi sur la CPS prévoit un total de 25 magistrats dont 13 Centrafricains et 12 internationaux. À côté de ces magistrats, il y a un greffier en chef Centrafricain et un greffier en chef adjoint, international.
Au moment où ce guide est rédigé 9 magistrats sont nommés, dont 4 magistrats du parquet (deux internationaux et deux Centrafricains), 4 juges d’instruction (deux Centrafricains et deux internationaux) et un juge à la Chambre d’accusation spéciale (Centrafricain).
Les juges de la CPS se répartissent en quatre chambres, qui vont se constituer dans l’ordre suivant : la Chambre d’instruction, la Chambre d’accusation spéciale, la Chambre d’assises et la Chambre d’appel.
Le parquet de la CPS peut être saisi par plainte ou dénonciation de quelque partie que ce soit. Les cabinets d’instruction peuvent également être saisis par plainte avec constitution de partie civile.
La CPS peut être saisie par « plainte ou dénonciation » (Art. 34) ou par « plainte avec constitution de la partie civile » (Art. 40). La procédure est gratuite pour les parties civiles : « dans l’intérêt de la manifestation de la vérité et de la lutte contre l’impunité, les parties civiles (…) sont dispensées des frais ordinairement générés » par la saisine d’une juridiction (Art. 40). Pareillement, l’Art. 64 ouvre aux victimes indigentes la possibilité de bénéficier des services d’un avocat commis d’office.
La CPS va travailler sur tout le territoire. La coordination des associations qui représentent les victimes dans l’arrière-pays va jouer un rôle essentiel. Les victimes vont pouvoir se rapprocher des organisations et de leurs avocats pour introduire plaintes et demandes de constitution de partie civile.
Il est conseillé aux victimes de se rapprocher de leurs conseils pour saisir la juridiction la plus apte à entendre leurs plaintes, en fonction de leur nature. La CPS est une juridiction au sein du système judiciaire centrafricain. Ainsi, selon la nature des crimes les juridictions nationales peuvent renvoyer des dossiers devant la CPS, tout comme la CPS peut en renvoyer devant les tribunaux ordinaires.
Oui, les femmes victimes de viol peuvent porter plainte devant la CPS. Le viol fait partie des crimes relevant de sa compétence, lorsqu’il est commis dans le cadre d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité. Les victimes, en général, sont encouragées à se faire assister par un avocat.
Non. Aucune somme n’est due à aucun moment de la procédure devant la CPS. La loi organique consacre le principe de la gratuité des procédures devant la CPS.
Non. Aucune personne ne peut être à l’abri des poursuites de la CPS en raison des fonctions qu’elle exerce aujourd’hui ou du poste qu’elle occupait au moment où les infractions ont été commises.
Ils ne sont pas non plus à l’abri de poursuites mais ce sont les tribunaux des pays dont les soldats sont ressortissants qui peuvent les juger, du fait des accords avec le gouvernement centrafricain.
La loi portant création de la CPS ne fait pas allusion au cas des mineurs qui se seraient rendus auteurs, coauteurs ou complices des crimes. Selon le Code pénal centrafricain, leur responsabilité pénale peut toutefois être engagée s’ils ont plus de 14 ans. Si l’on considère le cas des enfants soldats, ils sont généralement considérés comme des victimes dans la perspective du droit international.
Non, toute personne est présumée innocente tant que la culpabilité n’est pas établie par un jugement définitif de la CPS. Les personnes poursuivies restent innocentes, jusqu’à preuve du contraire.
Toute partie au procès qui n’a pas les moyens de payer les services d’un avocat doit pouvoir, selon la loi sur la CPS, se voir attribuer un avocat d’office. Par ailleurs, la CPS est régie par le principe de la gratuité des procédures. Aucun frais ne sera donc demandé à aucun moment de la procédure.
La victime est une personne qui a subi un préjudice personnel du fait d’un crime relevant de la compétence de la CPS, survenu dans le cadre d’une violation grave du droit international humanitaire.
Un témoin est une personne qui apporte, de par son témoignage oral, des éléments de preuve. Certaines victimes peuvent être témoins, tout comme certains témoins peuvent ne pas être des victimes.
Les accusés comme les victimes et les témoins pourront s’exprimer dans l’une des deux langues officielles du pays : le sango ou le français. Les services d’un interprète pourront être sollicités pour faciliter le dialogue entre les victimes et les magistrats (internationaux) de la CPS.
La loi sur la CPS prévoit qu’elle puisse proposer des mesures de protection aux victimes et aux témoins. Une stratégie de protection est actuellement développée à cet effet.
Comment la CPS est elle financée ? Les principaux contributeurs au budget de la CPS sont : le gouvernement centrafricain, le Royaume des Pays-Bas, les États-Unis, la France, et les Nations unies. En l’état actuel, la CPS a recueilli des fonds pour 15 mois de fonctionnement. Elle travaille à la mobilisation de ressources additionnelles.
Au vu de l’ampleur des crimes et du contexte sécuritaire, la CPS va devoir faire des choix stratégiques pour accomplir sa mission. Elle ne pourra pas juger tous les auteurs de crimes relevant de sa compétence ni traiter toutes les plaintes de victimes. Le procureur spécial travaille actuellement avec son équipe à une stratégie de poursuites qui sera rendue publique au début de l’année 2018.
La loi sur la CPS a été adoptée le 3 juin 2015. Cette loi la place au sein des juridictions centrafricaines, régies par le Code de procédure pénale centrafricain. Le droit applicable sera d’essence centrafricaine tout en se référant à des principes de droit international. Un règlement de procédure et de preuve sera prochainement adopté pour en préciser les modalités de fonctionnement.
Non, la loi sur la CPS stipule que la peine de mort ne pourra pas être prononcée par les juges de la CPS. La peine maximale sera la prison à perpétuité.
L’organisation des victimes en association aura l’avantage de leur permettre de coordonner leurs actions en justice. Compte-tenu de la spécificité de la CPS, les victimes pourront recevoir des conseils et être orientées soit devant les juridictions ordinaires, soit devant la CPS. De plus, la loi qui crée la CPS prévoit un corps spécial d’avocats dont le rôle est, entre autres, de défendre les victimes et de représenter celles qui seront admises à participer aux procédures devant la CPS.
La loi sur la CPS n’a pas donné d’indication sur cette question. La réparation est cependant un droit pour les victimes. Ce droit s’exerce pour celles reconnues parties civiles, par les juges, à la suite d’une demande de constitution de partie civile. Une décision en matière de réparation intervient à la fin d’un procès, si celui se conclut par un verdict de culpabilité. Il est recommandé aux organisations de la société civile d’expliquer aux victimes qu’en raison du caractère massif des préjudices causés par les crimes de la compétence de la CPS, une indemnisation matérielle ou financière paraît difficilement envisageable. La réflexion porterait vers la création d’un fonds d’indemnisation national et transversal (CPS, juridiction ordinaire, Commission vérité, justice, réparations et réconciliation…).
Oui. Les recours contre les décisions des juges d’instruction sont adressés à la Oui. Les recours contre les décisions des juges d’instruction sont adressés à la chambre d’accusation spéciale. Les jugements rendus par les chambres d’assises sont susceptibles d’appel devant la chambre d’appel, qui peut renvoyer l’affaire en jugement. Il n’y a pas de procédure de cassation.
Les peines applicables par la CPS sont celles prévues par l’Art. 59 du Code Pénal Centrafricain (CPC) : « Le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont punis de la peine de mort » (Art. 158 CPC). Toutefois le régime des peines applicables par la CPS est régi par le principe de l’indisponibilité de la peine de mort. En effet, l’Art. 59 dispose que « la peine maximale prononcée sera celle de la prison à perpétuité ». En outre, le CPC prescrit une gamme de peines susceptibles d’être infligées : travaux forcés à perpétuité, travaux forcés à temps, ainsi que des peines complémentaires prévus à l’Art. 24 CPC.
La soif de justice de la population est immense et ne concerne pas que des poursuites pénales. La CPS pourra répondre à certaines de ces attentes et il incombera à la justice nationale, à une commission vérité ou à une politique de réparation nationale de venir compléter le travail de la CPS. À l’heure actuelle la CPS est constituée et s’apprête à entrer dans sa phase opérationnelle. On estime que les enquêtes préliminaires pourraient prendre une année, que la phase d’instruction pourra prendre de deux à trois ans et que les procès pourraient se tenir ainsi d’ici trois à quatre années.
La CPS fait actuellement un plaidoyer pour que les prisons de Centrafrique soient réhabilitées afin de répondre aux standards requis. La construction de nouvelles prisons est en projet. Des accords pourraient être passés avec d’autres pays afin de garantir la sûreté de la détention des personnes.
La CPS et la CPI sont deux juridictions autonomes. Elles sont appelées à collaborer étroitement en RCA en raison du fait qu’elles sont compétentes pour les mêmes catégories de crimes. Mais la loi sur la CPS précise que la CPI a préséance sur la CPS en cas de poursuites communes.
La loi organique dispose que la CPS a priorité sur les juridictions ordinaires. La CPS et les juridictions ordinaires ont le même domaine de compétence. En effet, les juridictions ordinaires sont aussi compétentes pour connaître des crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide.